Argumentaire de ‘NoFirstUse Global’

L’emploi d’armes nucléaires – que ce soit par accident, par erreur, dans une escalade de crise ou intentionnellement – provoquerait des conséquences catastrophiques sur les plans médical, humanitaire, environnemental, économique et politique. L’adoption de doctrines de non-emploi en premier et l’arrêt des préparatifs militaires actuels en vue d’un tel emploi réduiraient considérablement les risques d’une catastrophe nucléaire.

Il s’agit de l’engagement de ne recourir en premier à des armes nucléaires en aucune circonstance, que ce soit pour une attaque préventive, une première frappe ou la riposte à toute attaque non nucléaire.

La Chine et l’Inde ont adopté une telle doctrine à l’égard de toutes les autres puissances nucléaires. L’Union soviétique puis la Russie ont appliqué cette politique de 1982 à 1993 puis la Russie de manière bilatérale envers la Chine depuis 2021. Au contraire, les États-Unis, la France, la Corée du Nord, le Pakistan et le Royaume-Uni maintiennent des doctrines qui permettent le recours en premier aux armes nucléaires en cas de conflit. Israël ne reconnaît pas l’existence de son arsenal nucléaire et n’affiche donc aucune position publique. Toutefois, les armes nucléaires israéliennes étant principalement conçues pour défendre le pays contre des pays non nucléaires (pays arabes et Iran), il est probable qu’Israël n’exclut pas leur emploi en premier.

Les armes nucléaires actuelles sont largement plus destructrices que les bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki en 1945. Une seule arme nucléaire pourrait détruire une ville et exterminer toute sa population. Vous pouvez vérifier la destruction que provoquerait une bombe nucléaire sur votre ville en consultant le site Nukemap. Outre des pertes humaines et dégâts matériels énormes, une explosion nucléaire provoquerait de profonds bouleversements sociaux, économiques et politiques (voir le rapport du  CICR). Cette situation engendrerait de nouvelles opérations militaires, y compris des ripostes nucléaires. En effet, si une puissance nucléaire lançait une première frappe nucléaire, elle emploierait certainement de multiples armes nucléaires afin de détruire ses cibles militaires et économiques et d’empêcher une riposte à son égard. Des explosions nucléaires sur des cibles situées dans ou à proximité de villes modernes extermineraient des dizaines de millions de personnes et pourraient provoquer des conséquences climatiques infiniment plus catastrophiques que celles du changement climatique actuel dû aux émissions de dioxyde de carbone.

Lorsque les présidents des Etats-Unis Ronald Reagan et de l’Union soviétique Mikhaïl Gorbachev sont devenus conscients des risques et des conséquences catastrophiques de l’emploi d’armes nucléaires, il ont proclamé conjointement qu’« une guerre nucléaire ne pouvait être gagnée et ne devait donc jamais être déclenchée ». Ce principe a été approuvé par les 191 États Parties au Traité de Non-Prolifération (TNP), y compris les cinq États dotés d’armes nucléaires (la Chine, les États-Unis, la France, la Russie et le Royaume-Uni) qui se sont déclarés en 2010 « profondément [inquiets] du risque que continue de représenter pour l’humanité la possibilité que les armes nucléaires soient utilisées et des conséquences humanitaires catastrophiques qu’entraînerait un tel emploi. » La prochaine étape consiste à garantir qu’une guerre nucléaire ne sera jamais déclenchée grâce à des engagements de non-emploi en premier.

Les options de doctrine envisageant l’emploi en premier d’armes nucléaires – appliquées par la plupart des puissances nucléaires – aggravent le risque que des armes nucléaires soient utilisées dans un conflit. Elles permettent à une puissance nucléaire de lancer une frappe nucléaire en riposte à une menace conventionnelle ou à la menace d’autres armes de destruction massive (chimiques ou biologiques), voire de neutraliser une attaque nucléaire potentielle au moyen d’une frappe préventive. Le non-emploi en premier restreint la possibilité de frappe nucléaire au seul cas où le pays a été attaqué par des armes nucléaires.

Non. Théoriquement, le non-emploi en premier n’exclut pas une frappe nucléaire en riposte à une attaque nucléaire, mais il ne justifie nullement une telle seconde frappe. En effet, si un pays est attaqué au moyen d’armes nucléaires, ses dirigeants politiques et militaires devraient considérer quels avantages procurerait une riposte nucléaire, qui ne pourrait que conduire à une situation encore pire. En outre, si le non-emploi était adopté par toutes les puissances nucléaires, il exclurait tout emploi intentionnel d’armes nucléaires. Si aucun pays ne tire le premier, aucun pays ne tire d’armes nucléaires (sauf par accident). Il s’agit donc là d’une mesure importante pour renforcer la norme de non-emploi de toute arme nucléaire et une étape significative vers l’interdiction totale de l’emploi d’armes nucléaires.

Pas exactement. Les deux concepts limitent l’option du lancement d’une frappe nucléaire aux seules circonstances impliquant une menace d’armes nucléaires. Toutefois, le principe du « but unique » (‘sole purpose’) inclurait l’option d’une première frappe préventive contre une menace nucléaire tandis que le non-emploi en premier l’exclurait, ne permettant une frappe nucléaire que si le pays a déjà été attaqué par des armes nucléaires. L’adoption de la doctrine du « but unique » (‘sole purpose’) pourrait être considérée comme une étape intérimaire vers le non-emploi en premier ou une interdiction totale d’emploi.

Les partisans de l’option d’emploi en premier estiment que celle-ci est indispensable pour protéger leur pays contre des attaques conventionnelles, d’attaques par d’autres armes de destruction massive ou la menace d’armes nucléaires. Si cette perspective peut paraître justifiée, elle est largement contredite par l’insécurité accrue résultant des risques aggravés d’échange nucléaire et par les tensions et conflits accrus du fait des menaces nucléaires posées par la doctrine et les préparatifs de première frappe. En outre, compte tenu des obligations de désarmement nucléaire confirmées par la Cour internationale de Justice en 1996, les pays qui font reposer leur sécurité sur la menace ou l’emploi des armes nucléaires doivent évoluer vers d’autres formes de sécurité afin de faciliter le désarmement nucléaire. L’adoption de la politique de non-emploi peut être effectuée en conjonction avec d’autres mesures de confiance et de sécurité collective de façon à ne pas diminuer la sécurité des puissances nucléaires et de leurs alliés. 

Non, bien au contraire. Si les puissances nucléaires et leurs alliés adoptaient la doctrine du non-emploi en premier, cette démarche les rapprocherait de l’interdiction complète des armes nucléaires telles que prévue par le TIAN ou une éventuelle future convention de désarmement nucléaire.

Le maintien de doctrines d’emploi en premier empêche les puissances nucléaires de participer de bonne foi aux processus d’abolition des armes nucléaires car cette option signifie qu’elles croient devoir conserver des armes nucléaires pour une gamme élargie de scénarios de sécurité et non seulement pour dissuader une attaque nucléaire.

Si elles adoptaient la doctrine de non-emploi en premier ou de « but unique », leurs arsenaux nucléaires seraient considérés nécessaires seulement pour s’opposer aux armes nucléaires des autres. Elles pourraient alors s’engager dans des négociations en vue du désarmement nucléaire complet. Celles-ci incluraient en effet des mesures de vérification et de respect robustes et efficaces de nature à garantir que toutes les puissances nucléaires désarment, neutralisent et éliminent leurs armes nucléaires selon des délais convenus. Même si l’adoption de la doctrine de non-emploi en premier n’aboutissait pas immédiatement à des négociations sur l’élimination totale des armes nucléaires, elle servirait de mesure destinée à renforcer la confiance entre les puissances nucléaires, facilitant leur coopération pour réduire le risque nucléaire et éliminer toutes les armes nucléaires.

Oui. Aux États-Unis, des propositions de loi ont été déposées à la Chambre des Représentants et au Sénat en vue d’introduire le non-emploi en premier dans la législation américaine. Le président Joe Biden a indiqué son soutien au moins au « but unique » (‘sole purpose’) sinon au non-emploi en premier. L’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), qui inclut des parlementaires de France, des États-Unis, de Russie et du Royaume-Uni ainsi que tous leurs alliés européens, a adopté des résolutions soutenant le non-emploi en premier. Il en est résulté un nouveau dynamisme au sein de la société civile, particulièrement aux États-Unis, pour promouvoir la doctrine du non-emploi en premier.

Oui. Il est facile de comprendre et de soutenir le non-emploi en premier. Quelles que soient les différences d’opinion sur la dissuasion nucléaire, personne ne devrait s’opposer à l’appel lancé aux puissances nucléaires de ne jamais déclencher une guerre nucléaire au moyen d’une première frappe nucléaire.

Plus d'information

Pour plus de FAQs sur le non-emploi en premier, consulter Argumentaire de ‘Global Zero’ (en anglais: Global Zero No-First-Use FAQs).

Pour des discussions plus approfondies en anglais sur le non-emploi en premier, voir notre bibliographie et notre blog, qui inclut une possibilité de commentaires et de questions sur le contenu des articles.