LETTRE OUVERTE DES PARLEMENTAIRES DES PAYS DE L’OTAN AU PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS À L’OCCASION DE LA RÉVISION DE LA POSTURE NUCLÉAIRE DES ETATS-UNIS ET DE LA 10E CONFÉRENCE D’EXAMEN DU TRAITÉ DE NON-PROLIFÉRATION

à: JosephBiden, président des Etats-Unis d’Amérique

CC:
Mme Kamala Harris, Vice-présidente des États-Unis, Présidente du Sénat
Mme Nancy Pelosi, Présidente de la Chambre des Représentants
M. Bob Menendez, Sénateur, Président de la Commission des Relations étrangères du Sénat
M. James Risch, Sénateur, Membre de la Commission des Affaires étrangères du Sénat
M. Jack Reed, Sénateur, Président de la Commission des Forces armées du Sénat
M. James Inhofe, Sénateur, Membre de la Commission des Forces armées du Sénat
M. Gregory Meeks, Représentant, Président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants
M. Michael McCaul, Représentant, membre de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants
M. Adam Smith, Représentant, Président de la Commission des forces armées de la Chambre des Représentants
M. Mike Rogers, Représentant, Membre de la Commission des Forces armées de la Chambre des Représentants
M. Ed Markey, Sénateur, Co-président du groupe de travail du Congrès sur les armes nucléaires et la maîtrise des armements, Co-président des Parlementaires pour la non-prolifération et le désarmement nucléaires (PNND)
M. Angus King, Sénateur, Président de la Sous-commission du Sénat sur les forces stratégiques
Mme Debra Fischer, Sénatrice, Membre de la Sous-commission des forces stratégiques du Sénat
M. Jim Cooper, Représentant, Président de la Sous-commission des forces stratégiques de la Chambre des Représentants
M. Michael Turner, Représentant, Membre de la Sous-commission de la Chambre des Représentants sur les forces stratégiques

Monsieur le Président,

Nous sommes des parlementaires de plusieurs pays membres de l’OTAN et de différents partis politiques qui vous écrivons au moment où votre administration entreprend une Révision de la Posture nucléaire et où vous vous préparez à la 10e Conférence d’examen du Traité de non-prolifération.

Nous sommes préoccupés par les conflits et les tensions qui existent actuellement entre les pays alliés et les pays dotés d’armes nucléaires, par les risques d’escalade de ces conflits, et par les politiques nucléaires qui y contribuent.

Nous vous écrivons pour soutenir les mesures visant à réduire le risque de guerre nucléaire, à faire progresser la diplomatie et à contribuer au désarmement nucléaire multilatéral. En particulier, nous encourageons votre administration à :

  1. accorder une priorité élevée à l’adoption d’une politique de non-emploi en premier (ou à but unique) des armes nucléaires ;
  2. inclure dans votre Dialogue sur la stabilité stratégique avec la Russie la possibilité d’une déclaration ou d’un accord mutuel ou réciproque de non-emploi en premier des armes nucléaires ;
  3. s’engager avec les autres États dotés d’armes nucléaires reconnus dans le cadre du dialogue du P5 du TNP sur l’adoption de politiques de non-emploi en premier de l’arme nucléaire et sur les mesures opérationnelles pour les mettre en œuvre afin d’instaurer la transparence, la confiance et la sécurité mutuelle.

Nous vous félicitons d’avoir évoqué la possibilité pour les États-Unis d’adopter une politique de non-recours en premier ou de but unique. Nous notons que certains membres du Congrès américain se sont opposés à une telle politique au motif que les alliés des États-Unis exigeraient une option de première frappe pour leur protection.

Nous tenons à dire clairement que nous ne pensons pas qu’une option de première frappe soit dans l’intérêt de la sécurité de nos pays ou de l’OTAN dans son ensemble. Nous vous encourageons à prendre l’initiative sur cette question et nous vous assurons de notre soutien.

Sans préjudice d’autres mesures importantes de réduction du risque nucléaire et de maîtrise des armements, nous soutenons en particulier l’adoption d’une politique de non-emploi en premier de l’arme nucléaire, qui constitue une mesure essentielle pour réduire le risque d’une guerre nucléaire et pour commencer à réduire progressivement le rôle des armes nucléaires dans les doctrines de sécurité tout en maintenant la stabilité stratégique.

Les options visant à employer les armes nucléaires en premier dans un conflit et les préparatifs pour permettre un tel emploi en premier aggravent les tensions et les risques, stimulent les contre-mesures telles que le lancement sur alerte, justifient les programmes de modernisation nucléaire et empêchent les négociations sur le désarmement nucléaire.

En revanche, les déclarations unilatérales de non-emploi en premier et les accords bilatéraux ou multilatéraux de non-emploi en premier peuvent réduire ces risques et ouvrir la voie à des mesures plus ambitieuses de contrôle des armes nucléaires et de désarmement.

Nos parlements – ainsi que le Congrès américain et le parlement russe -, en tant que membres de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, ont apporté leur soutien aux politiques de non-emploi en premier dans des déclarations telles que la déclaration de Berlin (11 juillet 2018) et la déclaration de Tbilissi (5 juillet 2016), qui ont été adoptées par consensus.

En outre, nous appelons votre attention sur le soutien au non-emploi en premier de la part de voix influentes des États-Unis, de l’OTAN et du monde entier, comme l’exprime une lettre ouverte du 10 juin 2021 adressée à vous-même et au président Vladimir Poutine, qui a été approuvée par plus de 1 200 dirigeants politiques, militaires et religieux, ainsi que par des législateurs, des universitaires et des scientifiques et d’autres représentants de la société civile. Plus de 400 de ces signataires proviennent de pays de l’OTAN, et près de 700 des États-Unis.

Enfin, nous prenons note des résolutions en faveur du non-emploi en premier introduites au Sénat américain par la sénatrice Elizabeth Warren (S.1219) et à la Chambre des Représentants par le Représentant Adam Smith, Président de la Commission des Forces armées de la Chambre (H.R.2603 ). Nous notons également la lettre qui vous a été adressée le 22 juillet 2021 par le Groupe de travail américain sur les armes nucléaires et la maîtrise des armements. Celle-ci cite votre déclaration selon laquelle « Compte tenu de nos capacités non nucléaires et de la nature des menaces actuelles, il est difficile d’envisager un scénario plausible dans lequel un emploi en premier d’armes nucléaires par les Etats-Unis serait nécessaire ou aurait un sens », ainsi que la demande que votre Révision de la Posture nucléaire « rende opérationnelle votre position précédemment exprimée selon laquelle les États-Unis n’auront pas besoin de tirer le premier coup dans un conflit nucléaire et qu’ils configurent en conséquence leurs forces nucléaires en dehors de cette posture de combat. ».

Nous sommes d’accord avec ces commentaires et offrons notre soutien pour leur mise en œuvre.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre considération respectueuse.

(liste des signataires)